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Les Marrons contre le régime esclavagiste : les défis militaires

  • Thompson, Alvin, O., History Department University of the West Indies (UWI), Barbados.

Historiquement, le rôle des Marrons à l'encontre du régime esclavagiste dans la Caraïbe n’a pas reçu l’importance qu’il mérite. Il est vrai qu’à partir des années 1970, un certain nombre d’excellentes études sont apparues. Parmi elles, on trouve Maroon Societies (Les Sociétés Marrons) de Richard Price (1979). Après une enquête minutieuse, j’ai conclu que les Marrons ont joué le rôle principal (et unique) dans la défiance du système esclavagiste de la Caraïbe et de l’Amérique Latine. Ceci est particulièrement vrai pour le Brésil, la Jamaïque, Haïti et le Suriname.

Les Marrons ont défié le système d’au moins trois manières différentes : de manière idéologique, organisationnelle, et militaire. Idéologiquement, la désertion était l’expression claire du rejet des Marrons du système esclavagiste et du contrôle de leur vie par les asservisseurs. Au niveau organisationnel, au moyen de la mise en place de systèmes politiques et administratifs souvent viables (communautés allant de quelques dizaines à plusieurs milliers de personnes), ils ont démontré qu’ils étaient capables de développer des alternatives sérieuses au système esclavagiste. Le fait que plusieurs de ces communautés aient duré pendant plusieurs décennies démontre leur viabilité et leur attraction pour les futurs déserteurs. Au niveau militaire, les Marrons ont démontré leur capacité non seulement à défendre leur régimes politiques mais aussi à attaquer les plantations et autres communautés, détruisant plusieurs d’entre-elles, tout en forçant les asservisseurs à dépenser de grosses sommes d’argent pour répondre à de telles attaques, en limitant à plusieurs reprises la progression des plantations au point de vue géographique. La suite de ce court article développera les points principaux abordés dans ce paragraphe.

L’état autoritaire cherchait à ce que les esclaves acceptent l’ordre des asservisseurs par l’intermédiaire de divers systèmes de contrôle, comme la promotion à des postes d’autorité (ou même de pouvoir) au sein même du système esclavagiste, et dans certains cas accordant la liberté à des esclaves fidèles, en particulier à ceux qui trahissaient les révoltes. Ces mêmes asservisseurs menaient aussi une politique de lavage de cerveau en établissant une hiérarchie de pouvoir et de contrôle basée sur des stéréotypes ethniques, lors de laquelle ils cherchaient à faire accepter aux esclaves le fait qu’ils étaient les personnes devant logiquement diriger les groupes subordonnés, et en particulier les esclaves des champs, qu’ils reléguaient au bas de l’échelle sociale. Ils utilisaient également bien souvent la religion afin de renforcer une telle subordination ; les Eglises catholique, anglicane, luthérienne, et réformée néerlandaise étaient employées dans de tels efforts, en particulier lorsque les autres efforts visant au confinement des populations esclaves manquaient d’atteindre les résultats désirés.

Bien sûr, il est difficile de persuader des personnes en état de servitude, que ce soit par la religion ou par l’épée, que leur sort divin est de demeurer en état de servitude ou que le Seigneur a des projets ultérieurs en les maintenant dans cette situation. Lorsque par exemple, dans les années 1970, le comte Nickolaus Ludwig VonZinzendorf, fondateur de la Mission Moravienne en Europe a déclaré à un groupe d’esclaves dans les Antilles néerlandaises que se convertir au christianisme ne les délivrerait pas de leur servitude physique, car ils étaient punis pour les péchés de leurs ancêtres, les esclaves n’ont sûrement pas compris ce message. L’agitation des esclaves a continué dans cette juridiction même après ce discours. Dans le cas d’Haïti, Santiago, le chef des Marrons Le Maniel a utilisé la chrétienté dans les années 1780 en tant qu’outil révolutionnaire. C’est également le cas pour Gaspar Yanga, chef des Marrons Cofre de Perote au Mexique dans les premières décennies du dix-septième siècle. Nat Turner des Etats-Unis est de loin le chef noir le plus remarqué ayant utilisé la chrétienté comme idéologie révolutionnaire importante. En état de servitude le plus draconien, les gens sont toujours à même de se révolter, en dépit de n’importe quelle idéologie ou forme de lavage de cerveau que les oppresseurs utilisent pour renforcer cette servitude.

Comme déjà mentionné plus haut, la désertion d’un grand nombre d’esclaves du système esclavagiste constituait le rejet implicite de l’idéologie de l’esclavage. Parfois ce rejet était aussi explicite, au sens où, à plusieurs reprises, les Marrons indiquaient verbalement aux groupes militaires qu’on leur envoyait pourquoi ils ne retourneraient jamais à la servitude. C’était le sentiment de liberté, leur droit absolu à celle-ci, qui faisait braver à nombre d’entre eux les dangers de la vie dans la jungle parmi de nombreux animaux, insectes et autres forces. C’était la raison pour laquelle les âges des déserteurs allaient de préadolescents à des personnes de la soixantaine et occasionnellement plus âgées.

Bien sûr dans de nombreux cas, il s’agissait seulement pour les déserteurs de s’enfuir, mais il est entièrement différent d’arriver à survivre indéfiniment ou même pendant une courte période de temps dans les conditions que nous avons mentionnées plus haut. Ainsi de nombreux déserteurs se perdaient dans les jungles inconnues, les contrées sauvages, et d’autres topographies rudes de l’environnement dans lequel ils s’étaient enfuis. Cependant, un certain nombre d’entre eux arrivaient à survivre, à créer des communautés viables, ou à rejoindre celles qui étaient déjà établies. De nombreuses communautés attiraient les futurs déserteurs causant ainsi un flot constant vers celles-ci. Ceci est vrai, par exemple, des communautés Marrons Leeward et Windward de Jamaïque; les Saramaka, Ndjuka, Matawais, et Aluku (Boni) au Surinam; Le Maniel en Haïti et Palmares au Brésil (même si cette dernière n’est pas prise en compte dans cet article).

Dans tous les cas mentionnés ci-dessus, les communautés survécurent pendant plusieurs décennies, ayant également des formes de gouvernement bien établies et des forces armées avec toute une hiérarchie de personnel officiel, des systèmes de défense et d’attaque et une économie de l’alimentation solide qui offrait un régime alimentaire bien plus ample et varié que ce dont les esclaves bénéficiaient lors de l’esclavage dans les plantations. Les larges communautés Marrons offraient ainsi des perspectives de vie bien plus attractives que les régimes des plantations, et des sociétés dans lesquelles les parents pouvaient élever des enfants sans avoir peur que leurs enfants leur soient enlevés et réduits en esclavage par les chefs Marrons. Dans de nombreux cas, les gens naissaient et mouraient au sein de ces communautés sans n’avoir jamais été entravé par des chaînes en fer ou fait l’expérience d’autres types d’esclavage. Cependant, toutes les formes de gouvernement des Marrons devaient se prémunir contre la subversion de leurs communautés par les expéditions militaires que les esclavagistes envoyaient contre eux.

Alors que les asservisseurs perdaient un grand nombre de leur charges asservies au profit de la désertion, c’étaient les défis militaires que posaient les communautés Marrons, en particulier les plus larges, qui causaient les plus grandes peurs à ces asservisseurs, qui entraînaient des dépenses de larges sommes d’argent pour les protéger de tels dangers, limitaient la portée des plantations et d’autres installations blanches au niveau géographique, amenaient les réponses les plus draconiennes (légales et non légales) contre les Marrons capturés, et donnaient naissance à des stéréotypes extrêmes les concernant.

De larges expéditions souvent bien équipées étaient envoyées contre les communautés Marrons, atteignant leur forme la plus extrême dans les mercenaires recrutés tout spécialement de divers pays d’Europe qui étaient envoyés contre les Aluku et les autres Marrons au Suriname à la fin du dix-huitième siècle. John Stedman, le Capitaine de l’un de ces groupes mercenaires, a écrit dans ses œuvres classiques Narrative of a Five Years Expedition against the Revolted Negroes in Suriname,1772-1777 ( Récit des cinq années dexpédition contre les nègres révoltés du Surinam, 1772- 1777), à propos des dangers les plus extrêmes et les souffrances dont son groupe a fait l’objet sans grand succès quant à leur objectif.

L’opinion qui domine parmi les universitaires est que les communautés Marrons les plus larges étaient préparées pour une bataille agressive et engageaient le combat avec leurs ennemis. En effet quelques-unes d’entre elles semblaient être totalement affectées à détruire les campements Blancs, avec des organisations internes visant autant une guerre agressive et persistante contre les esclavagistes que la protection de leurs occupants. La communauté Aluku au Suriname et le Cofre de Perote au Mexique était l’exemple de ce genre de structure.

La passion pour la vengeance était un motif puissant pour les attaques Marrons dans la plantocratie. Un tel motif, par exemple, était attribué au Baron, un Marron surinamien très redouté à la fin du dix-huitième siècle, qui était maltraité par son maître, et un jour fouetté sous la potence publique. On dit qu’a partir de ce moment-là, il promit qu’il se vengerait sur tous les Européens, et qu’il ne mourrait en paix qu’en se lavant les mains avec le sang du tyran. On dit aussi qu’avant que Joli Coeur (Jolicoeur), un autre Marron dans le même pays, ne tranche la tête de son ancien maître, il lui rappela qu’il avait violé sa mère (i.e. celle de Joli Coeur) et flagellé son père qui avait tenté de lui porter secours. Parmi les nombreux actes de vengeance qui sont attribués à Guillermo Rivas du Venezuela contre les esclavagistes blancs et leur cohorte, on sait qu’il attacha un caporal blanc et lui infligea la punition du fouet espagnol (punition mortelle) au centre de la ville, lui rendant ainsi la monnaie de sa pièce.

Des universitaires croient qu’à plusieurs reprises l’organisation militaire était facilitée par un nombre de soldats qui faisaient partie des prisonniers de guerre pris dans des engagements militaires africains et vendus lors de l’esclavage transatlantique. Le Marron moyen se battait contre l’ennemi avec des armes “traditionnelles” en sa possession, plutôt que des fusils ou les armes plus sophistiquées que les esclavagistes possédaient. La machette, qu’ils utilisaient pour couper la canne et avec laquelle nombre d’entre eux s’étaient échappés, étaient leur arme de défense, d’attaque et de survie la plus commune. Ils utilisaient aussi des couteaux, épées, lances, rasoirs, et faucilles. Occasionnellement, un groupe de combattant d’élite parmi eux était équipé d’armes à feu, qui étaient toujours difficiles à obtenir. Ils les acquéraient lors du pillage des arsenaux blancs, lors de commerce avec les renégats blancs, ou c’étaient des armes gagnées au contact de l’ennemi. Peut-être un cas unique, on dit que la communauté du Baron au Suriname possédait un nombre non spécifié de canons sur pivot pillés à leurs ennemis. Alors que les forces coloniales avaient un avantage important et souvent décisif sur les Marrons en termes d’artillerie, ces derniers réduisaient leur désavantage grâce à leur habile utilisation du terrain avec lequel ils s’étaient familiarisés et leurs camouflages.

L’un des problèmes majeurs que toutes les expéditions blanches rencontraient était la nature hostile du terrain qu’ils devaient surmonter, souvent associées aux fortifications que les communautés Marrons avaient érigées, la guérilla innovatrice que les Marrons employaient souvent, et les types d’évasion prévus qu’ils avaient préparés pour les situations où ils apparaissaient ne plus pouvoir défendre un site particulier. Dans le cas de la Jamaïque, Mavis Campbell nous informe que les principales communautés Marrons avaient construit différents campements à divers niveaux de la montagne, les plus stratégiques étant construits aux niveaux les plus hauts, et à des endroits quasiment inaccessibles que presque aucune force d’expédition blanche n’avait jamais atteints. De plus, la position élevée des villes leur donnait une vue panoramique des zones alentours, il était ainsi presque impossible de lancer une attaque surprise contre eux. Les montagnes Blue Mountain et le sommet John Crow des Marrons Windward de Jamaïque étaient devenues légendaires dans l’histoire et les traditions de la résistance Marron dans ce pays.

Quelques communautés, telles que celles en Haïti, en République Dominicaine et Cuba étaient protégées par l’association de montagnes accidentées et de forêts denses. Les zones Baoruco, Higuey, Cotuy, Buenaventura, Samana, Puerta Plata, San Francisco, Azua et San Juan de la Maguana étaient les sites préférés des Marrons de la République Dominicaine et d’Haïti. Les montagnes Baoruco constituaient quelques-unes des chaînes de montagnes les plus élevées, elles étaient également pentues et il était difficile d’en faire le tour. A Cuba, les sommets de la chaîne Sierra Maestra sont devenus le lieu de prédilection de nombreux Marrons de la région de l’est. On l’estime à un peu plus de 150 miles de long (240 kilomètres) ; cette zone consistait principalement à cette époque de forêt vierge, avec des sentiers trop pentus et étroits pour des bêtes de somme. La zone toute entière était filetée de rivières dont le cours était parfois très abrupt, plongeant dans la mer. Dans le cas du Surinam et d’autres terres plates, les campements étaient entourés de larges fossés dans lesquels les Marrons avaient placé des pieux tranchants bien au fond de l’eau, et avaient aussi érigé une série de palissades. Dans ce pays aussi, mais pas dans celui-ci seulement, les microparasites incluaient les moustiques, les puces chiques, les Phlébotomes, les taons, les teignes, les poux, les abeilles sauvages, les chauves-souris, les araignées, les scorpions et les mille-pattes. Les infections de toute sorte avaient souvent pour résultat des coliques, de la fièvre, la dysenterie et des œdèmes.

A partir du dix-huitième siècle, les colonies des principales plantations souhaitaient recruter des Africains, en général des esclaves, dans les forces de combat pour se battre contre ce qu’ils voyaient comme la menace Marron. Le gouvernement français en Haïti allait donner sa liberté aux esclaves après trois ans de service dévoué en tant que membres de la milice, capitaines ou guetteurs. Les Black Rangers du Surinam sont peut-être le groupe le plus connu. Ils recevaient une liberté provisoire avant de prendre service pour la plantocratie, et ont prouvé leur valeur par leur loyauté et la férocité et audace avec lesquels ils engageaient le combat contre les Marrons. D’un autre coté, les Black Shots de Jamaïque étaient utilisés en tant que cohorte servile mais on ne leur garantissait pas la liberté pour leur service loyal. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs d’entre eux aient pris l’opportunité de déserter lorsque les circonstances le leur permettaient.

La plupart des propriétaires d’esclaves comprirent le besoin de tels arrangements, en particulier en relation avec les communautés Marrons larges et établies depuis longtemps; d’autres passaient par une sorte de schizophrénie, voulant, et à la fois ne voulant pas, arriver à de tels arrangements. Cependant, il demeure que le marronnage était une chose coûteuse, en particulier pour les planteurs. Cela comprenait la perte de travailleurs, souvent les plus résistants et robustes, et la dégradation des plantations et parfois des villes. Le coût des expéditions militaires devait être porté par les taxes et autres impôts des propriétaires d’esclaves. Dans les années 1730, le gouvernement jamaïcain a déclaré que les guerres Marrons avaient vidé ses coffres, alors que le gouvernement surinamien avait déclaré banqueroute dans les années 1770 à cause du même type de problème. Ce dernier fut forcé de construire des fortifications pour empêcher les Marrons de pénétrer dans les installations des plantations du nord, mais une telle initiative ne résolut pas le problème.

Les entreprises, en particulier des petits planteurs et des hommes d’affaires faisaient faillite sous le poids des fardeaux financiers qu’ils devaient supporter pour supprimer le marronnage et d’autres formes d’insurrection noire. Les activités Marrons, bien sûr, avaient un impact financier et politique, mais aussi social sur les sociétés esclaves. Avec d’autres formes de résistance à l’esclavage, elles ont influencé la fréquence de l’absentéisme des planteurs dans les colonies esclaves, et aussi le nombre de femmes blanches qui avaient été emmenées ou élevées dans les colonies. Ainsi les déprédations Marrons ont aidé à déstabiliser les sociétés esclaves de manière signifiante. Il n’était donc pas surprenant que les planteurs aient cherché des arrangements avec les chefs Marrons.

Les défis que les activités Marrons posaient à la plantocratie peuvent aussi être mesurés à travers les nombreuses propositions que les planteurs ont fait afin d’atteindre un accord pacifique et négocié avec eux. Même si ces initiatives émanaient parfois des chefs Marrons, le plus souvent elles venaient des gouvernements coloniaux. Ceci se passait, par exemple, en relation avec les traités signés avec les Marrons en Jamaïque, au Surinam, et au Guyana. Ces traités étaient généralement basés sur des traités plus anciens que les gouvernements coloniaux avaient signés avec les Marrons au Mexique, au Brésil, à la République Dominicaine, à la Dominique, en Guyane française, en Colombie et ailleurs. Ils incluaient en général la reconnaissance des membres des campements Marrons, leur garantissant la terre ou les localisant sur d’autres terres sur lesquelles ils allaient exercer leur autonomie, mais à la condition qu’un officier colonial réside parmi eux (officiellement pour constituer un lien entre eux et les autorités coloniales mais en réalité pour espionner leurs activités), le dépôt de leurs armes, la promesse de ne plus abriter de futurs fugitifs et l’aide à l’administration coloniale pour saisir les fugitifs. Des traités signés avec les Marrons surinamiens leur procuraient aussi des réserves annuelles de grandes quantités de biens que les Marrons avaient acquis auparavant au moyen d’un commerce discret avec des personnes libres ou esclaves dans la colonie, ou en pillant des plantations européennes ou d’autres communautés. Ces paiements équivalaient à une forme déguisée de tribut aux Marrons. Parfois encore, des individus au sein des plantations ou communautés rurales payaient ouvertement des tributs aux groupes Marrons afin d’arrêter leurs dégradations.

Les traités que les autorités coloniales et les chefs Marrons signaient n’étaient jamais honorés loyalement par aucun des partis, mais maintenaient une paix incertaine, ponctuée périodiquement par le mécontentement et des allégations des deux côtés, et des menaces d’abroger les traités. Les Marrons Treaty au Surinam étaient connus pour prendre des fugitifs en cachette, alors que les autorités coloniales étaient connues pour être fréquemment en retard dans la livraison des biens qu’ils avaient promis de livrer à un moment spécifique. Plusieurs Marrons qui étaient mécontents des termes du traité ou des relations post-traité entre les deux partis se séparaientet formaient de nouvelles communautés Marrons ou rejoignaient les communautés existantes. Il est intéressant de noter que les plus grandes guerres Marrons au Surinam se sont déroulées environ une décennie à peu près après la signature de traités importants avec les Marrons dans les années 1760. Ainsi, alors que les traités offraient un peu de répit aux planteurs, le problème des Marrons pour les régimes plantocratiques ne fut finalement résolu que lors de l’abolition de l’esclavage. Alors que les groupes Marrons haïtiens principaux refusaient de signer des traités avec les autorités coloniales, ils ont juré sur paroles de cesser les attaques contre la plantocratie une fois que la promesse serait réciproquée par le régime colonial.

Un facteur lié à la décision du régime colonial d’accepter un certain accord avec les principales communautés Marrons, était qu’en fait dans plusieurs cas il y avait de larges bandes de terre fertiles qui demeuraient inoccupées par la plantocratie et devenait souvent une partie des terres de chasse des Marrons. Ceci se passa en Jamaïque au début du dix-huitième siècle; ils ont erré sur quelques-unes des terres les plus fertiles dans les paroisses de St Thomas, St George et portland. C’est aussi le cas de larges bandes de terre en Haïti sur lesquelles Le Maniel et les autres groupes Marrons vagabondaient. Au Brésil, les larges zones de terre que les Marrons Palmares contrôlaient directement et indirectement sont devenues la cible de nombreux preneurs de terre et spéculateurs, et elles étaient l’une des principales raisons pour lesquelles ils voulaient déstabiliser le gouvernement Marron. Dans les trois cas mentionnés ci-dessus, la destruction des communautés Marrons ou la paix négociée ont mené à l’élaboration considérable de communautés blanches dans les zones adjacentes.

Il est clair que ni l’insurrection Marron, ni tout autre aspect de la résistance des esclaves n’a démoli les régimes coloniaux, avec l’exception notable d’Haïti pendant la période des guerres françaises révolutionnaires et napoléoniennes. Cependant le marronnage était une équation importante dans l’équilibre ou dans la distribution de pouvoirs au sein des sociétés plantocratiques. Dans plusieurs juridictions, une telle activité a aidé à déterminer l’étendue des communautés blanches, les marges de profit de certains planteurs en particulier, le caractère social des sociétés et les budgets des régimes coloniaux. Ils étaient un aspect essentiel du discours et plus tard du débat sur l’esclavage, qui, à terme, a mené à la disparition du système.

Catégorie : Résistances

Pour citer l'article : Thompson, A.,O., (2013). "Les Marrons contre le régime esclavagiste : les défis militaires " in Cruse & Rhiney (Eds.), Caribbean Atlas, http://www.caribbean-atlas.com/fr/thematiques/vagues-de-colonisation-et-de-controle-de-la-caraibe/resistances/les-marrons-contre-le-regime-esclavagiste-les-defis-militaires.html.

Références

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